Histoire

 

La Genèse de Villers aux Erables

Villers aux Erables est probablement l'une des plus anciennes communes de la Picardie. Située sur un point bas du plateau du Santerre, il a été trouvé autour de sa mare des pointes de flèches en silex provenant, semble-t-il, du néolithique supérieur, après la fin de la dernière glaciation.

De l'époque romaine subsistent les traces de trois grandes fermes, traces détectées par la photographie aérienne grâce à l'archéologue abbevillois Monsieur Agache. Après les invasions barbares, le premier document à mentionner Villers aux Erables date de 1231, le village était appelé : VILLARE AD ARAULES du nom ancien des érables qui se plaisent particulièrement bien sur son terroir.

la mare

Le premier seigneur connu de Villers aux Erables a été le Chevalier Guillaume de Villers en 1207. A partir du XIVème siècle la seigneurie de Villers fut la propriété de la famille DE FONTAINES qui la vendit au seigneur DE CAMBRAY vers 1600. Le chateau Le très beau château de Villers aux Erables a été construit en 1680, après le départ des troupes espagnoles stationnées à Corbie, qui avaient la fâcheuse habitude de brûler les villages de la région, comme Mézières en Santerre, donc probablement aussi Villers aux Erables voisin. Cette vaste construction en brique et pierre, semblable à celle de Cayeux en Santerre, démolie en 1920 et celle de Beaucourt en Santerre toujours visible semble dater du premier quart du XVIIème siècle. Maximilien DE CAMBRAY né en 1639, mort en 1716, en est probablement le constructeur. Malheureusement aucun document de cette époque ne subsiste dans les archives de la commune, détruites, sauf les actes d'état civil, durant la guerre de 1914-1918.

 

Villers aux Erables pendant la révolution Française

Après son décès, la seigneurie de Villers aux Erables devient la propriété de la famille CADEAU D'ACY, apparentée aux princes DE CREQUY (de Moreuil).

Une vieille légende picarde raconte que le sire DE CREQUY, de retour de Palestine, aurait enfoncé ses doigts dans une pierre en apprenant le remariage de sa femme. Cette pierre serait aujourd'hui dans le jardin d'un habitant de Villers aux Erables.

Plus tard, la famille du marquis DE ROUGE obtiendra la seigneurie par mariage et résidera au château de Villers aux Erables jusqu'à la guerre 1914-1918.

Jusqu'à celle-ci, Villers aux Erables, fut, semble-t-il, un paisible village campagnard avec cependant une particularité : D'assez nombreux ouvriers, qui travaillaient pour les usines textiles de Moreuil, y habitaient. C'était des spécialistes " badestamiers ", c'est à dire des couseurs de bas. Ils travaillaient à domicile, descendant 2 ou 3 fois par semaine à Moreuil (à pieds naturellement) pour chercher des pièces de " bas d'Estame " à l'époque tissés à plat. Ceux-ci, très recherchés car en laine fine, étaient cousus et mis en forme par les badestamiers de Villers aux Erables mais ils étaient vendus par les industriels et les négociants de Moreuil et d'Amiens.

 

Villers aux Erables pendant la guerre

1ère période

La guerre 1914-1918 allait tout bouleverser. Si la bataille de la Somme de juillet 1916 n'a que peu touché Villers aux Erables, il n'en fut pas de même des terribles combats de mars et août 1918.

L'attaque allemande du 21 mars 1918 sur le front Saint Quentin - La Fère avait réussi à créer une poche de 80 kms de profondeur dans le front anglo-français. Celui-ci était totalement rompu entre les rivières Avre et Luce. Le 27 mars 1918, le Général Foch, commandant en chef des troupes alliées, conscient du danger, envoya des renforts et chargea la 1ère armée française du Général Debeney d'étendre son front et de maintenir à tout prix la liaison avec l'armée anglaise du Général Gough qui reculait vers Villers Bretonneux et Amiens.

L'ordre fut donc donné aux français de résister jusqu'à la mort sur le plateau du Santerre.

Villers aux Erables fut malgré cela conquis par les Allemands le 29 mars 1918 vers 18 heures. Le 321ème Régiment d'Infanterie chargé de la défense de la commune perdit 19 officiers et 750 hommes, soit la quasi-totalité des effectifs engagés dans ces très durs combats.

L'attaque allemande reprit le 30 mars au matin et Moreuil fut perdu par les Français vers 10 heures, la rivière Avre franchie, puis Morisel et Mailly-Raineval tombèrent au début de l'après-midi. Inquiet de l'avance allemande, le Général Canadien SEELY, ancien ministre canadien de la guerre qui, de son poste de commandement à Berteaucourt les Thennes (5 kms au nord ouest de Moreuil) avait la charge de la liaison avec l'armée française, donna l'ordre à un régiment canadien de cavalerie de traverser le bois de Moreuil et d'attaquer de flanc les troupes allemandes pour retarder, si faire se pouvait, leur avance.

C'est l'escadron C du " LORD STRATHCONA'S HORSES " (Royal Canadians, régiment actuellement stationné à CALGARY Alberta Canada), commandé par le lieutenant G. M. FLOWERDEW qui fut chargé de cette attaque désespérée.

C'était en fait une condamnation à mort...

2ème période

Que pouvait faire la cavalerie contre les centaines de mitrailleuses légères (des "maxim", allégées et améliorées) utilisées par les troupes de choc allemandes qui attaquaient dans ce secteur ?

Avec une bravoure extraordinaire le lieutenant FLOWERDEW se lança avec ses hommes, à la lance, contre les bataillons allemands. Il fut très grièvement blessé et mourut le lendemain 31 mars à l'hôpital anglais de Namps au Val où il avait pu être transporté. Son escadron fut anéanti, et il n'y eut, hélas ! que quelques survivants.

Mais il semble que cet extraordinaire exploit d'un incroyable courage eut d'importantes répercussions. L'état-major allemand, perplexe sur l'arrivée des canadiens sur le flanc des divisions d'attaque, craignit une contre-attaque sur ses arrières, freina ses commandos de tête dirigées vers Castel, le Bois Sénécat et Rouvrel situé seulement à 3 kms à vol d'oiseau de la voie ferrée Paris Amiens, artère vitale pour l'armée anglaise et dont la prise ou l'interdiction aurait pu faire basculer la guerre en faveur des allemands.

L'attaque allemande vers le village de Rouvrel reprit le 31 mars au matin, mais, dans la nuit du 30 au 31 mars de nouvelles troupes françaises étaient arrivées sur place et après avoir conquis le Bois Sénécat puis le village de Rouvrel, les troupes allemandes furent repoussées dans le Bois Sénécat en particulier par le 12ème Régiment de Cuirassiers arrivé dans la nuit. La voie ferrée Paris Amiens était sauvée et le sort de la guerre 14-18 avait peut-être basculé en notre faveur.

 

3ème période

Après des combats acharnés, une dernière attaque allemande fut anéantie le 4 avril 1918 et après cette date les troupes alliées s'attachèrent à reconquérir la rive gauche de l'Avre, ce qui fut fait en juillet 1918.

Le 8 août 1918 ce fut le début de la grande offensive alliée du Maréchal Foch qui amena par la suite la victoire du 11 novembre 1918.

La libération de Villers aux Erables était le 1er objectif de cette attaque, menée dans ce secteur par le 31ème corps d'armée. Après une terrible préparation d'artillerie tirant sur le territoire, le château et le village de Villers aux Erables, les troupes françaises parties à 5h20 de Thennes et de Berteaucourt les Thennes s'emparèrent enfin de la commune, totalement rasée, vers 11 heures du matin. (1600 pièces dont seulement 900 canons de 75, 36000 obus dont 29000 de calibres supérieurs aux 75, des mortiers de 220 et de 240) Là encore, nos amis Canadiens qui attaquaient au nord de la route Amiens-Roye jouèrent un rôle important et sauvèrent de nombreuses vies françaises. En effet un de leurs tanks s'était perdu dans le brouillard qui couvrait le champ de bataille dans la matinée et il prit contact vers 10h30 du matin sur le côté sud de la route (au lieu d'être au nord de celle-ci) avec les troupes françaises de la 42ème Division qui combattaient très durement pour conquérir le parc et le château de Villers aux Erables. Les Français lui signalèrent qu'ils étaient bloqués par des mitrailleuses allemandes en position dans le parc boisé du château et qu'ils avaient de lourdes pertes.

Le sous-officier commandant le tank n'hésita pas une seconde, se dirigea vers le château et détruisit les unes après les autres les mitrailleuses allemandes, permettant ainsi la reprise de la marche en avant et la reconquête de Villers aux Erables qui fut totalement terminée à 11h30. Mais il en avait coûté, hélas, près de 400 morts et blessés aux troupes françaises.

Un monument aux morts érigé au carrefour des rue de Moreuil, rue Basse-Boulogne, et rue du Chateau témoigne du souvenir aux 6 Enfants de Villers aux Erables morts pour la France.

 

L'après guerre à Villers aux Erables

Après la guerre 1914-1918, les badestamiers ne revinrent pas à Villers aux Erables et s'installèrent près des nouvelles usines textiles à Moreuil. Le village, entièrement détruit fut reconstruit de 1920 à 1926 et la population diminua de 290 habitants en 1914 à 80 environ en 1920.

Villers aux Erables devient entièrement agricole. Les archives de la commune, entièrement détruites durant la guerre, seront reconstituées à la main en 1926. Cela représentant un travail de 10 ans.

Après la seconde guerre mondiale, une importante pépinière fur créée à Villers aux Erables et elle compta jusqu'à 40 employés. Le dernier commerçant de Villers aux Erables, l'épicier débit de boissons ferma vers 1980. La pépinière durement touchée par la crise des années 90 cessa à son tour son activité en 1996 et ce fut une perte grave pour la commune.

Seules subsistent actuellement 3 fermes, qui sont spécialisées dans la pomme de terre de haute qualité et de légumes fins pour l'industrie agroalimentaire, en particulier l'importante usine Bonduelle à Estrées Mons.

Le château de Villers aux Erables, très abîmé par les très durs combats de 1918 ne fut pas reconstruit et a été rasé dans les années 1960. Seuls subsistent encore des morceaux de ses murs d'enceinte.

 

L’Église d’avant guerre

Une description de 1893 :

L’Église d’avant guerre s'annonce avantageusement au loin par la haute facade de son portail, la blancheur de ses pierres et ses deux pilastres d'ordre toscan ; mais l'ouverture de la porte est assez disgracieuse : la hauteur n'est pas en rapport avec la largeur. Cette église, située au centre du village, fut élevée aux frais de M. de CAMBRAY à la fin du siècle dernier. L'église précédente, qui se trouvait dans le parc du château, était fort petite et n'offrait rien de particulier. Elle était couverte en chaume, malgré la richesse de la fabrique. Un incendie la détruisit quelques années avant la Révolution. Cette église renfermait une chapelle castrale dédiée à la Sainte Vierge, qui fut bénite le I4 janvier 1420 par messire de BAINS, curé du Quesnel, doyen de chrétienté de FOUILLOY. (Registres de l'église de Villers.) L'église actuelle est entièrement construite en pierres de taille. Le clocher, placé en tête de la nef, au-dessus du portail, est surmonté d'une flèche en bois assez élevée ; il renfermait autrefois trois cloches, mais les Cosaques, paraît-il, en enlevèrent deux en 1815) ; ils laissèrent la plus grosse, qui fut bénite en 1791, et eut pour parrain Jean-François FABUREL, officier municipal, et pour marraine, Marie-Geneviève MISETON, sa femme. En pénétrant dans cet édifice, on est frappé tout d'abord de la clarté répandue à l'intérieur ; il serait à désirer que des fenêtres en grisaille vinssent remplacer les vitrages actuels. Le choeur, qui est plus étroit que la nef, est carrelé en pierres losangiques noires et blanches. On remarque dix-huit stalles en bois de chêne sculptées avec goût, provenant de la paroisse Saint-Sulpice d'Amiens, supprimée en 1790. On y voit aussi deux statues en bois assez bien exécutées, dont l'une représente saint Sulpice, patron de la paroisse, l'autre saint Fulgence. Le morceau le plus remarquable du choeur est le maître autel, construit en pierre. De chaque côté ont été sculptées deux clefs avec un glaive au milieu, ce qui parait être les attributs de saint Pierre. Cet autel provient, dit-on, de l'abbaye de Corbie, qui le tenait elle-même d'une église de Compiègne.

Les tableaux :

Le tableau du maître-autel représente une guérison opérée par saint Sulpice à la cour du roi Clotaire II, dont il était aumônier; au bas se trouve le nom de l'auteur, DOVAL, avec la date 1717. Le cadre est en bois de chêne sculpté, et provient également de l'église Saint-Sulpice d'Amiens. De chaque côté de ce tableau sont deux colonnes d'ordre corinthien surmontées d'un chapiteau en carton-pierre; le tout était autrefois blanchi. Lors de notre visite, un peintre était occupé à appliquer de la dorure sur les parties en relief de cette sculpture. La chaire, placée à droite de la nef, provient d'une église le Montdidier. Sur les panneaux, au nombre de sept, on -voit saint Lugle et saint Luglien, saint Pierre, saint Firmin, sainte Vierge, etc. L'abat-voix, surmonté de quatre pots, ne semble pas avoir été fait pour cette chaire.

À gauche de la nef, au-dessus de la chapelle de la Vierge, est une toile en assez mauvais état, mais d'un grand prix, provenant du château ; elle représente une descente de croix ; le cadre, qui tombe de vétusté, aurait besoin de réparations. Le tableau placé au-dessus de la chapelle de Sainte-Catherine, à droite de la nef, représente Jésus en croix et la Vierge au pied de la croix. Une autre toile, de grandes dimensions, se trouve à gauche de la nef, et figure la Salutation angélique; elle provient aussi du château de Villers. Près de là se trouve un reliquaire contenant des restes de saint Donat et de saint Fructueux. Deux autres reliquaires, placés sur l'autel de la Vierge, renferment des ossements de saint Boniface, de saint Clément, de saint Adrien, de saint Victor, de saint Constantin, etc.; nous ignorons si l'os de saint Fulgence dont parle D. GRENIER s'y trouve encore.

Les pèlerinages :

Au siècle dernier, le patron de cette paroisse était l'objet d'un pèlerinage très fréquenté le 27 août de chaque année. Il produisait environ quatre-vingts livres de bénéfice au curé «par la quantité d'offrandes et d'évangiles», dit SCELLIER, quoique cet annaliste constate «qu'il arrive un grand nombre d'abus dans ces sortes de pèlerinage et qu'on y remarque peu de dévotion.»

Autres informations :

La cure, à la collation de l'évêque d'Amiens, valait environ 400 livres ; la fabrique jouissait d'un revenu de 00 livres. Les Célestins d'Amiens possédaient les deux tiers de la dîme, en vertu de la donation qui leur fut faite le 3 juillet 1467 par Philippe de MORVILLERS, bailli d'Amiens. (D. GRENIER, t. CCXXII, fol. 74) Cette dime s'étendait à toutes les terres labourées par les habitants de Villers sur les terroirs environnants, tels que Moreuil, Hourges, Genonville, Thennes et Démuin. Le chapitre d'Amiens possédait l'autre tiers de la dîme, qu'il avait acquis de Robert dit le prieur, au mois de mars 1231, moyennant 66 livres parisis. (D. Grenier, ibid.)

Les plus anciens registres de l'état-civil datent de 1693 nous y avons trouvé les noms des curés qui suivent :

Antoine BAZART, vers 1690 à 1695 ; décédé le 21 mai; il reçut sa sépulture dans le choeur de l'église.

CHEVALLIER, 1695 à 1697 ;

Louis DENIZART, 1697 à 1722 ; décédé le 2 janvier 1722, il fut inhumé dans l'église.

Michel BOISSART, 1722 à 1741, le 10 juin 1728, il fournit la déclaration des biens de la cure, dont le revenu net était de 335 livres.

FORNET, précédemment vicaire de Démuin, fut curé de Villers-aux-Érables à partir de I74I à 1791 selon Alcius LEDIEU (Moreuil et son canton 1889)

Selon une autre source FORNET ne fut curé que jusqu’en 1788, il fut remplacé par CARETTE de 1790 à 1972.

 

La chapelle sépulcrale

La chapelle, de style romano-byzantin fleuri, construite en 1862 par Madame veuve Cadot d'Acy et ses enfants, est un monument remarquable. Elle a échappé par miracle aux destructions de la guerre 14-18 et en particulier aux bombardements français de la matinée du 8 août 1918.

Cette chapelle est le seul monument de Villers aux Erables qui ait échappé aux destructions de la guerre 14-18. L’Eglise et le Château ont été détruits. Elle est le témoin de l’histoire de notre village. Le visiteur qui la découvre tombe sous le charme de la décoration de son dôme central.

Personnalités

La personnalité la plus importante des seigneurs de Villers aux Erables fut, semble-t-il : Louis Antoine Jean-Baptiste DE CAMBRAY né à Florence (Italie), le 7 juin 1751 qui hérita de la seigneurie de Villers aux Erables en 1787. Parti avec Lafayette combattre pour l'indépendance des jeunes Etats-Unis d'Amérique, il aurait été Colonel dans la nouvelle armée américaine de Washington, et a été membre de la prestigieuse association américaine : " Les Chevaliers du Cincinnatus ". Il rentre en France vers 1787 et assiste à la reconstruction de l'église de Villers aux Erables en 1791. Une cloche de l'église sera bénie la même année. Il reste seigneur de Villers aux Erables jusqu'en l'an 6 (1794), époque à laquelle il sera remplacé par Monsieur LAHOCHE, épicier - cabaretier du village, qui remplira parfaitement les fonctions qui lui ont été attribuées, comme en atteste la tenue des comptes et des registres de l'état civil de cette période. Nommé maire de Villers aux Erables le 1er fructidor an 8 (18 août 1800) par le premier consul Napoléon Bonaparte, il le resta jusqu'à sa mort, sans descendance, le 26 février 1822.

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